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Les galons du lieutenant Alain-Fournier

Manche droite des galons du lieutenant Alain-Fournier
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Le 22 septembre 1914, la première guerre mondiale n’a pas deux mois. Ce jour-là, deux compagnies du 288e régiment d’infanterie partent en reconnaissance dans un bois situé sur la commune de Saint-Remy-la-Calonne (Meuse). Les camarades restés en arrière entendent une fusillade dans la forêt et voient refluer les blessés. Mais vingt et un hommes ne reviendront pas et leurs corps ne seront pas retrouvés. Parmi eux, le lieutenant Henri-Alban Fournier, 27 ans, plus connu sous son pseudonyme d’écrivain, Alain-Fournier. Qu’est-il arrivé à l’auteur du Grand Meaulnes et à ses compagnons ?

En 1990, après treize ans de recherches, un groupe d’amateurs localise l’emplacement de la tombe collective où les Allemands, qui ont tenu le secteur pendant presque toute la durée de la guerre, ont enterré les soldats français. Et, le 4 novembre 1991, commence pour un mois une fouille prescrite par l’Etat, menée par un tout jeune archéo-anthropologue de 26 ans, Frédéric Adam, aujourd’hui à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). « C’était une tombe en pleine forêt, un rectangle de 5,20 mètres sur 2,60 mètres, se remémore-t-il. On avait deux rangées de dix soldats tête-bêche et le vingt et unième disposé en travers des autres corps. »

La fouille est compliquée. Par la neige, la grêle, la pluie, le froid, mais aussi par l’irruption de dizaines de journalistes quand l’information sur la présence du squelette d’Alain-Fournier est révélée. Il faut faire surveiller le site par l’armée ! Les archéologues trouvent des petits objets personnels ayant appartenu aux soldats – crayon, pipes, porte-monnaie, couteaux de poche – et des éléments d’uniforme. Surtout, ils notent l’emplacement de tous les os avant de procéder au « démontage » des squelettes.

L’ère de l’archéologie contemporaine

S’ensuit un protocole bien précis pour essayer de redonner une identité à chaque mort, explique Frédéric Adam : « On identifie l’appartenance sexuelle (une civile ou une infirmière aurait pu être inhumée avec les soldats). On calcule la stature. On identifie son âge au décès. On note les traces de pathologies, de traumatismes guerriers. On a donc une carte biologique de la personne et à cela s’ajoute le travail sur les objets qui l’accompagnent. Et on confronte le tout aux documents militaires. » Sur les vingt et un squelettes, dix-neuf ont ainsi pu être identifiés. Pour Alain-Fournier, il y avait ses galons de lieutenant. Mais pas qu’eux. « La stature collait, l’âge collait, la forme du visage aussi, récapitule Frédéric Adam. La famille m’avait confié une lettre d’Alain-Fournier disant qu’il venait de se faire soigner sa dixième dent. Et ce squelette avait treize plombages sur dix dents. »

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