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A Nouméa, Emmanuel Macron propose aux Calédoniens d’emprunter « le chemin du pardon »

Sur la place de la Paix, à Nouméa, le 26 juillet 2023.

Emmanuel Macron a souhaité un « statut nouveau » pour la Nouvelle-Calédonie, lors d’un discours public prononcé, mercredi 26 juillet, sur la place de la Paix à Nouméa. « Je vous demande d’engager un travail pour faire advenir une citoyenneté pleine et entière fondée sur un contrat social, faite de devoirs et de droits (…) de l’appartenance au Caillou », a détaillé le chef de l’Etat, expliquant vouloir bâtir ce « statut nouveau » dans les mois à venir et « dans le consensus ».

« La Nouvelle-Calédonie est française parce qu’elle a choisi de rester française », a dit Emmanuel Macron devant la foule, disant ne pas « mésestimer les aspirations déçues de ceux qui défendaient un tout autre projet », en référence aux trois référendums qui se sont soldés par un « non » à l’indépendance. Le Front de libération national kanak socialiste conteste le dernier scrutin de 2021, que les indépendantistes avaient boycotté. Ils avaient d’ailleurs appelé, mercredi, leurs militants « à ne pas se rendre » sur la place de la Paix, qui regorgeait de drapeaux bleu, blanc, rouge.

« La Nouvelle-Calédonie dans la République »

Le chef de l’Etat a appelé toutes les parties à avoir « la grandeur d’accepter » les résultats des trois référendums, affirmant vouloir être « le président d’un nouveau projet (…), celui de la Nouvelle-Calédonie dans la République ». « Pas de retour en arrière, pas de bégaiement, pas de surplace », a-t-il martelé sous les acclamations d’une foule majoritairement acquise à la cause loyaliste.

Au cours de la matinée, il avait réuni à Nouméa les acteurs politiques de Nouvelle-Calédonie afin de mettre les parties face à leur « immense responsabilité » collective pour dégager ce fameux consensus en vue de la réforme constitutionnelle promise. Une quête difficile : le principal parti indépendantiste, l’Union calédonienne (UC), a déploré dans un communiqué « une stratégie politique de l’Etat colonial qui reste très éloignée de la trajectoire unique portée par la mouvance indépendantiste visant à l’accession à la pleine souveraineté et à l’indépendance du pays kanak ». Une partie des indépendantistes, notamment des représentants politiques de l’UC, dont le président du Congrès, Roch Wamytan, n’ont d’ailleurs pas participé à la réunion.

« Pas question pour nous d’enterrer définitivement le droit à l’autodétermination »

Emmanuel Macron a souhaité un « prompt rétablissement » aux absents, avant d’admettre sur la place de la Paix avoir été « personnellement blessé » par ces défections. Le chef de l’Etat a mis en garde contre la tentation de se « réfugier dans un séparatisme » qui fait planer, « aujourd’hui ou demain », le « risque de la violence », alors même que la paix est un « trésor » à préserver.

Cette paix, « c’est lui-même qui la remet en cause », a protesté Roch Wamytan, président du Congrès, l’assemblée territoriale. Cette figure indépendantiste a dénoncé une « supercherie », et « une forme de cynisme ». « Après deux référendums et un référendum volé, il n’est pas question pour nous d’enterrer définitivement le droit à l’autodétermination », a-t-il prévenu, alors qu’Emmanuel Macron a évoqué cet « acquis » tout en fermant la porte à son expression rapide.

Côté non-indépendantiste, Virginie Ruffenach, vice-présidente du Rassemblement-Les Républicains, a salué un discours « qui replace une France forte en Nouvelle-Calédonie et dans le Pacifique ». « La France est bien là et elle va être encore plus présente », s’est-elle réjouie.

Emmanuel Macron était venu une première fois en Nouvelle-Calédonie en 2018, juste avant le début du processus référendaire instauré par l’accord de Nouméa de 1998. « C’est la fin d’un processus politique », mais « personne n’avait vraiment (…) collectivement préparé » la suite, a constaté le président de la République. « Il y a une forme d’état suspendu dans lequel on se trouve », et donc « nous sommes collectivement face à une immense responsabilité », a-t-il ajouté. Il a appelé à ne pas faire comme si le processus de Nouméa « n’avait pas existé », car celui-ci a permis d’« avancer » et de « consolider un trésor », « la paix » dans l’archipel.

Les négociations pour définir un nouveau statut institutionnel du territoire d’outre-mer sont en effet enlisées, butant notamment sur la question épineuse du corps électoral gelé, sur laquelle il est pourtant urgent de s’entendre afin d’aboutir à une révision constitutionnelle à temps pour les élections provinciales de 2024. Le délai et les modalités pour rouvrir une nouvelle page du droit à l’autodétermination font aussi débat.

Accusations d’instrumentalisation

Surtout, Emmanuel Macron a considéré qu’une indépendance livrerait l’archipel du Pacifique aux ambitions grandissantes de la Chine dans la région. « Si l’indépendance c’est de choisir demain d’avoir une base chinoise ici, bon courage, ça ne s’appelle pas l’indépendance ! », a-t-il déclaré, suggérant de « regarder » les pays de la région qui « ont perdu leur souveraineté ». L’Union calédonienne avait justement reproché au chef de l’Etat d’« instrumentaliser » la Nouvelle-Calédonie pour « servir sa stratégie » en Asie-Pacifique « d’équilibre entre la Chine et les Etats-Unis ».

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Pour tourner la page, Emmanuel Macron a ainsi proposé deux « chemins jumeaux » : celui « du pardon » et celui « de l’avenir ». Le premier, censé répondre aux attentes mémorielles qu’expriment les Kanaks, « ce n’est pas un chemin de repentance », mais une manière de « regarder en face », ensemble, « ce passé qui ne veut pas passer ». Et toutes les « souffrances », notamment celle du « peuple kanak », a-t-il ajouté.

Le second chemin passe forcément, a plaidé le président, par des « institutions pérennes, rénovées, efficaces ». Il a dit souhaiter qu’une révision constitutionnelle, prévue par l’accord de Nouméa, « puisse intervenir début 2024 ». Pour « bâtir » le nouveau statut institutionnel du territoire, « je ne veux presser personne », a dit dans le même temps Emmanuel Macron. Mardi, le chef de l’Etat avait confirmé qu’une réforme constitutionnelle propre à la Nouvelle-Calédonie aurait lieu « sur la base d’un consensus », comme prévu par l’accord de Nouméa de 1998, qui arrive à expiration.

Le futur statut doit apporter « stabilité » et « visibilité », et non des « rendez-vous » électoraux « tous les ans », a-t-il aussi estimé. Une manière de fermer la porte à une nouvelle expression rapide sur l’autodétermination, même si ce droit reste un « acquis ». Pour montrer que ce « chemin d’avenir » est concret, le chef de l’Etat a promis une « relance économique », et notamment un « projet nickel d’avenir » pour rendre rentables les usines qui exploitent ce minerai « stratégique ».

Le Monde avec AFP

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