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Nouvelle-Calédonie : la célébration du naufrage de la « Monique » rassemble une société divisée

Lors des préparatifs de la cérémonie d’hommage aux 126 morts du naufrage de la « Monique », en 1953, sur la place du marché, à Nouméa, le 22 juillet 2023.

Le 22 juillet 1953, le caboteur la Monique quitte Nouméa, sur la Grande Terre, pour les îles Loyauté de Nouvelle-Calédonie : Maré, Lifou, Ouvéa. Ce sera sa dernière course. Le 31 juillet, lors de son trajet retour, le navire de 32 mètres disparaît avec tous ses passagers « indigènes » et 200 tonnes de fret. Le naufrage, resté inexpliqué, coûte la vie à 126 personnes, en majorité des Kanak, mais aussi d’autres venues d’Europe, du Vanuatu, du Vietnam. On tait vite la tragédie. Deux mois plus tard, les autorités ont davantage à cœur de célébrer les cent ans de la prise de possession du Caillou par la France, le 24 septembre 1853.

Samedi 22 juillet, sur la place du marché de Nouméa, l’émotion est toujours vive quand la maire (Renaissance), Sonia Lagarde, inaugure une stèle à la mémoire des disparus dont toutes les familles, de près ou de loin ici, conservent le souvenir. Ce jour d’hiver austral, soixante-dix ans plus tard, marque « le début de la levée de [ce] deuil » d’un drame calédonien qui pesait depuis trop longtemps, a déclaré le président du gouvernement calédonien, Louis Mapou.

Un épisode douloureux, qui fait partie des événements capables de souder une société divisée. A l’avant-veille d’une visite du président Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie, du lundi 24 au mercredi 26 juillet, au moment où la scène politique locale apparaît toujours clivée et incapable de s’entendre sur l’avenir du territoire, cette façon de se rassembler encourage les optimistes. « Le devoir de mémoire, c’est aussi nouer des liens entre les communautés, (…) ne faire qu’un sur le chemin de l’avenir », a souligné Mme Lagarde lors de la cérémonie, où 126 chaises blanches vides, portant les prénoms des disparus, côtoyaient les vivants.

« Un projet fédérateur »

Plusieurs mois de célébrations d’une ampleur inégalée commencent en effet, à l’initiative du gouvernement Mapou. « La Monique, c’est le début du destin commun », souligne Mickaël Forrest, responsable de la culture. Sont mobilisés toutes les aires coutumières kanak, le corps éducatif, les chercheurs ou les artistes, tels que le chorégraphe Richard Digoué, qui a présenté samedi un spectacle, « Node » (« Pays »), sans concession sur la déconnexion des gouvernants avec la société.

« Nouméa se met en règle avec son histoire », a affirmé Louis-José Barbançon, une figure calédonienne, historien du bagne, qui a perdu son père dans le naufrage et préside l’association La Monique. L’auteur du Pays du non-dit (1992) avait indiqué le 11 juillet sur la chaîne La 1ère : « Dans la séquence que le pays traverse, tout est politique. La Monique (…) c’est un projet fédérateur, se retrouver sur un événement tragique est aussi l’histoire de ce pays. Puisque nous avons une histoire commune, différente de celle de la France, nous pouvons faire un pays commun» Le secrétaire de l’association, Samuel Ukeiwë, à qui la grand-mère kanak racontait la perte de plusieurs membres de la famille, a lui aussi insisté au cours des jours précédents sur les « ponts » entre les différentes ethnies de la population.

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