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Mort de Zineb Redouane : l’enquête judiciaire s’interroge sur une « responsabilité médicale » des pompiers et de l’hôpital de la Conception, à Marseille

Lors d’une manifestation en hommage à Zineb Redouane, à Marseille, le 5 décembre 2020.

Il y a près de cinq ans, le 2 décembre 2018, une dame de 80 ans mourait sur une table d’opération de l’hôpital de la Conception, à Marseille. La veille au soir, Zineb Redouane avait reçu une grenade lacrymogène en plein visage, tirée par un CRS lors de l’acte III des « gilets jaunes » – une manifestation qui s’était terminée en violents affrontements, près du Vieux-Port – alors qu’elle était en train de fermer les fenêtres de son appartement, situé au quatrième étage de la rue des Feuillants, dans le centre-ville.

Depuis les faits, aucun policier n’a été mis en cause par la justice. Pourtant, dans son rapport détaillé d’avril 2021 que Le Monde a pu consulter, l’inspection générale de la police nationale (IGPN) avait « mis en lumière un manquement professionnel et un comportement contraire à la déontologie policière » concernant le CRS qui a tiré et son superviseur. Et l’IGPN de conclure que tous deux avaient « manqué à l’obligation de discernement » – le premier « par une action manifestement inadaptée », le second « par une décision manifestement inadaptée » – demandant « le renvoi en conseil de discipline de ces deux policiers ».

Dans ce rapport, « la police des polices » avait reconstitué la soirée du 1er décembre 2018 et décrit un climat « insurrectionnel » autour du domicile de Zineb Redouane, dans une atmosphère saturée de gaz lacrymogènes (200 grenades lancées lors de la manifestation). Et avait noté, concernant le tir mis en cause, que la « fatigue, [le] manque de visibilité, [la] tension et [la] nécessité légalement établie à riposter ont probablement pesé dans la décision du superviseur de l’autoriser, et celle du tireur, de l’effectuer ». Pour autant, l’Inspection avait pointé qu’« en effectuant un tir au Cougar, d’une munition ayant une portée de 100 mètres, alors qu’il se trouvait à 33 mètres de la façade d’un immeuble d’habitation (…), et qu’avec ou sans visibilité, il ne pouvait imaginer disposer d’un espace suffisant pour tirer une telle munition sans prendre le risque d’un dommage non souhaité et/ou que ce tir soit inefficace ». D’autant que le tireur « disposait d’un temps de réflexion » avant de lancer sa grenade.

Malgré ces remarques et conclusions, Frédéric Veaux, le directeur général de la police nationale, avait décidé, en octobre 2021, de ne pas suivre l’avis de l’IGPN. Sollicité pour expliciter son choix, M. Veaux n’a pas, pour le moment, répondu à la demande du Monde.

Retour au point de départ

Depuis près de cinq ans, l’enquête semble tourner en rond pour revenir au point de départ. En effet, les investigations prennent désormais un chemin éloigné de toute faute policière. Dans une ordonnance datée du 1er mars 2023 que Le Monde a pu consulter, la magistrate chargée de l’instruction au tribunal judiciaire de Lyon, depuis que l’affaire y a été dépaysée, a désigné deux experts – un médecin légiste et un chirurgien maxillo-facial – afin de déterminer la « responsabilité médicale » des pompiers et du personnel de l’hôpital dans leur prise en charge de la victime. Ce projectile lui avait causé, selon le rapport d’autopsie, « un traumatisme facial sévère, avec fractures de l’ensemble de l’hémiface droite, et des fractures costales ».

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