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Et si l’on modifiait les gènes des arbres pour produire un papier plus propre ?

Lorsqu’il parle des arbres, le biochimiste Rodolphe Barrangou, professeur à l’université d’Etat de Caroline du Nord, à Raleigh, ne cache pas son admiration. « Ils ont une longévité exceptionnelle, de parfois plusieurs siècles, subissent des variations du climat à toutes les échelles, et tout cela en restant au même endroit : cette résilience physique et chimique est incroyable, dit-il. Sauf que, pour en faire du papier ou des couches, ça complique le processus. »

Le chercheur français, un des pionniers de la technique Crispr de modification du génome, pense pourtant avoir trouvé la solution. Dans un article publié dans la revue Science, jeudi 13 juillet, son laboratoire et celui de son collègue généticien Jack Wang annoncent avoir mis au point des peupliers susceptibles de doper la productivité économique de la filière forestière tout en réduisant son empreinte écologique.

Au cœur du défi se trouve la lignine. Avec la cellulose et l’hémicellulose, elle est un des trois constituants principaux du bois, lui conférant sa fameuse solidité. Mais pour transformer la pulpe d’un pin ou d’un peuplier en pâte à papier, il convient de l’extraire. Malgré les progrès accomplis, le procédé impose toujours de chauffer celle-ci à 170 °C et de la soumettre à l’attaque de la soude ou du soufre, avec quantité de déchets. En 2021, les quelque 1,7 milliard de tonnes de matière première exploitée ont pour moitié généré des rebuts, dont la très polluante liqueur noire.

Ces vingt dernières années, les généticiens ont mis en évidence le rôle de nombreux gènes dans la production de cette lignine. Mais pour optimiser la recette, il manquait deux outils que l’équipe de Raleigh a mis utilement à son profit. D’abord l’intelligence artificielle : les chercheurs ont demandé à un réseau de neurones, à partir des connaissances déjà accumulées par le laboratoire de Jack Wang sur 21 gènes d’intérêt, d’examiner les quelque 70 000 combinaisons de mutations possibles.

Diminuer la lignine d’au moins 15 %, mais aussi en modifier la composition pour la rendre moins résistante et augmenter en parallèle la quantité de glucides : ces trois contraintes ont d’abord fait sortir 347 combinaisons du chapeau bio-informatique. En augmentant encore leurs exigences, les chercheurs ont finalement sélectionné sept stratégies, permettant une réduction de 35 % de la lignine par une modification simultanée de quatre à six gènes.

« Mais les prédictions informatiques ne valent que si elles sont confirmées par le terrain », insiste Rodolphe Barrangou. Cette fois, c’est la technique Crispr d’édition du génome qui a permis de passer de l’ordinateur au laboratoire, puis à la serre. Désactiver certains gènes, réduire l’expression d’autres… ces sept stratégies ont abouti à la fabrication puis à la mise en terre de 147 lignées.

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